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Armand Nicolas, communiste et historien

Armand Nicolas, décédé mercredi 26 janvier, fut durant toute sa vie un infatigable militant communiste et anticolonialiste.
Armand Nicolas

Armand Nicolas est né à Nice le 28 janvier 1925 où son père, fils d’un petit propriétaire de couleur de l’Ajoupa Bouillon, enseignait l’histoire à l’École normale d’instituteurs. Après la mort précoce de son père en 1934, la mère d’Armand Nicolas rentre en Martinique avec ses enfants, accueillie par sa tante, directrice du Pensionnat colonial.

Armand Nicolas suit sa scolarité au lycée Schœlcher où il a Aimé Césaire comme professeur. Bien que titulaire d’une bourse en 1942 pour continuer ses études à l’Université de Montpellier, il ne peut se rendre en France à cause de la guerre et est élève d’une classe spéciale de Première supérieure confiée à Aimée Césaire. Ce dernier demande à son élève d’écrire un article pour la revue Tropiques.

Après le ralliement de la Martinique à la France Libre en 1943, il devient, par l’intermédiaire de Césaire, rédacteur au service d’information officiel que le nouveau gouverneur Ponton vient de mettre en place, avant d’être envoyé au Maroc pour être incorporé. C’est lors de son séjour marocain qu’il prend conscience de l’oppression coloniale.

Démobilisé après la Libération, il s’inscrit à la Sorbonne en histoire et fonde avec d’autres l’Association des étudiants de la Martinique dont il devient le premier président. À ce titre, il participe en 1947 au congrès fondateur de l’Union internationale des étudiants à Prague. Il succéde aussi à Jacques Vergès comme directeur du journal Étudiants anticolonialistes, fondé avec quatre autres associations d’étudiants proches des communistes.

En 1951, il revient en Martinique comme professeur d’histoire au lycée Schœlcher et milite à la fédération de Martinique du Parti Communiste Français. En 1953, il succède à René Mesnil comme rédacteur en chef de Justice. Lors du conflit qui oppose Aimé Césaire au Parti communiste en 1956, il reste fidèle aux orientations défendues par les militants martiniquais d’un nouveau statut pour la Martinique et, en 1957, il participe à la fondation du Parti Communiste Martiniquais (PCM) qui défend l’autonomie de la Martinique, avec Camille Sylvestre comme secrétaire général.

Après l’émeute de décembre 1959, il est considéré par les autorités coloniales comme le noyau dur du PCM, avec Camille Sylvestre, et les deux hommes sont condamnés chacun à une amende d’un million et demi de francs, un an de prison avec sursis et à la déchéance de ses droits civiques. En août 1961, il est muté d’office en France en application de l’ordonnance Debré du 15 octobre 1960, comme Guy Dufond, Georges Mauvois et Walter Guitteaud. Suite à son refus de mutation, il est révoqué et ne reprend son poste d’enseignant qu’en 1975.

Il succède à Camille Sylvestre comme secrétaire général du PCM suite au décès de ce dernier en décembre 1962 et devient permanent du Parti. Il met à profit cette période pour publier de nombreuses études historiques et fait connaître à la population martiniquaise l’histoire du 22 mai 1848, plaçant cette date au cœur de l’identité martiniquaise, comme symbole d’une libération obtenue suite à la révolte des esclavagisés.

Son mandat de secrétaire général est marqué par la Convention du Morne-Rouge en août 1971 qui, avec plusieurs autre organisations des territoires ultra-marins, propose un chemin autonomiste. Durant son mandat, il voit le poids de la gauche indépendantiste et autonomiste grandir au sein du paysage politique martiniquais, mais il doit aussi lutter pour défendre la place du PCM face au Parti progressiste martiniquais de Césaire et à une Fédération socialiste de Martinique renouvelée par le congrès d’Epinay en 1971. De plus, il affronte une forte critique d’inspiration trotskiste ou maoïste en interne, devant aller jusqu’à l’exclusion de camarades. C’est donc d'un PCM électoralement affaibli, mais encore important dont il laisse le secrétariat général en 1990.

Cette dernière période de sa vie lui permet de se livrer à sa passion pour l’histoire. Il publie notamment une histoire de la Martinique en trois volumes aux éditions L’Harmattan et intervient, jusqu’à la fin de sa vie, régulièrement dans le débat publique martiniquais. La thèse de Rolande Bosphore-Pérou montre aussi l'importance d'Armand Nicolas dans l'histoire de la Martinique.